PMA demandée par un couple homosexuel : la requête devant la CEDH jugée irrecevable

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Civil - Personnes et famille/patrimoine
Public - Santé
09/02/2018
La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a jugé irrecevable la requête pour discrimination d'un couple de femmes mariées à qui l'accès à la procréation médicalement assistée a été refusée par un hôpital toulousain en 2014.
Un couple de femmes mariées demande à bénéficier d’une procréation médicalement assistée (PMA) avec insémination artificielle. Leur demande est cependant rejetée par le centre hospitalier universitaire de Toulouse (CHU) au motif que « la loi Bioéthique actuellement en vigueur en France n’autorise pas la prise en charge des couples homosexuels » (voir C. santé pub., art. L. 2141-2). Les requérantes se plaignant du rejet de leur demande et dénonçant "une discrimination fondée sur leur orientation sexuelle, saisirent la CEDH sur le fondement des articles 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et 14 (interdiction de la discrimination).
La Cour, rappelant l’importance du principe de subsidiarité, estime que, faute d’avoir saisi les juridictions administratives d’un recours en annulation pour excès de pouvoir de la décision du CHU de Toulouse, les requérantes n’ont pas épuisé les voies de recours internes.
Si pour la Cour le rejet de la demande d’accès des requérantes à une PMA, était une décision administrative individuelle susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation pour excès de pouvoir devant les juridictions administratives. Les demanderesses n’ont cependant pas usé de cette voie de recours, estimant que cela aurait été inefficace eu égard aux motifs de la décision n° 2013-669 DC du 17 mai 2013 du Conseil constitutionnel. La question principale, en l’espèce, est donc de savoir si les requérantes peuvent valablement soutenir que cette voie de recours était ineffective.
À cet égard, la Cour constate que précité le Conseil constitutionnel était saisi d’une demande tendant à la constitutionnalité non de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique mais de la loi « ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ». Dans sa décision, certes, le Conseil constitutionnel touche la question de la conformité avec le principe constitutionnel d’égalité de la distinction entre les couples de personnes de même sexe et les couples hétérosexuels qui résulte de l’article L. 2141-2 du Code de la santé publique, abordant par ce biais celle de son caractère discriminatoire ou non. Il ne le fait toutefois que de manière indirecte puisque la requête dont il était saisi ne visait pas cette disposition du Code de la santé publique mais la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe. Par ailleurs, il ne traite pas, ne serait-ce qu’indirectement, la question de la conformité de l’article L. 2141-2 du Code de la santé publique avec le droit constitutionnel de mener une vie familiale normale et le droit constitutionnel au respect de la vie privée, alors que la requête dont la Cour est saisie ne se fonde pas seulement sur l’interdiction de la discrimination que pose l’article 14 de la Convention, mais aussi sur le droit au respect de la vie privée et familiale que consacre l’article 8 de la Convention. En outre, le contrôle de conformité d’une mesure individuelle à la Convention effectué par le « juge ordinaire » est distinct du contrôle de conformité de la loi à la Constitution effectué par le Conseil constitutionnel : une mesure prise en application d’une loi dont la conformité aux dispositions constitutionnelles protectrices des droits fondamentaux est établie peut être jugée incompatible avec ces mêmes droits tels qu’ils se trouvent garantis par la Convention à raison par exemple de son caractère disproportionné dans les circonstances de la cause. En d’autres termes, même si les chances de succès étaient éventuellement réduites du fait de la décision du Conseil constitutionnel du 17 mai 2013, un recours en annulation pour excès de pouvoir de la décision du CHU de Toulouse du 15 décembre 2014 fondé sur les articles 8 et 14 de la Convention n’aurait pas été « de toute évidence voué à l’échec ». En outre, la Cour rappelle que l’obligation d’épuiser préalablement les voies de recours internes vise, entre autres, à donner aux États membres la possibilité de redresser la situation qui fait l’objet de la requête avant de devoir répondre de leurs actes devant un organisme international. Ce principe revêt une importance particulière s’agissant de griefs tirés de l’article 8, que cet article soit pris isolément ou combiné avec l’article 14. Il est en effet primordial lorsque la Cour aborde la question complexe et délicate de la balance à opérer entre les droits et intérêts en jeu dans le cadre de l’application de cette disposition que cette balance ait préalablement été faite par les juridictions internes, celles-ci étant en principe mieux placées pour le faire. Or, à ce jour, les juridictions internes n’ont pas été amenées à se prononcer sur des requêtes dirigées contre des refus d’accès à un processus de PMA opposés à des couples homosexuels sur le fondement des dispositions de l’article L. 2141-2 du Code de la santé publique. Vu l’importance du principe de subsidiarité, la Cour estime donc que, faute d’avoir saisi les juridictions administratives d’un recours en annulation pour excès de pouvoir de la décision du CHU de Toulouse, les requérantes n’ont pas épuisé les voies de recours internes, au sens de l’article 35 § 1 de la Convention. La requête est donc rejetée en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
Selon Maître Caroline Mecary, avocate du couple, « la Cour a botté en touche, elle a choisi la voie du milieu pour ne pas être taxée de gouvernement des juges », regrettant que la Cour ne soit pas prononcé sur le fond du litige.

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